terça-feira, maio 23, 2006

Les tableaux parisiens: Les Cimitières



Les pyramides d'Egypte, grandioses tombeaux de rois, ne peuvent provoquer une émotion plus grande que les cimetières parisiens.

Dans les premières, ce qu'on admire, ce sont seulement des blocs de pierre assemblés par le travail humain, la toute-puissance d'un tyran - d'autant plus étonnante qu'elle est plus artificielle et plus repoussante - et le monument d'un moment historique, une nation métamorphosée en pierre stupide.

Dans les seconds, nous distinguons clairement, malgré les tombes, tout un courant de vie, les débuts et les étapes du grand flux d'aujourd'hui, les combattants déjà tombés - alors que la lutte acharnée se poursuit -, gouttes éclaboussées sur les rives tandis que le fleuve vif et puissant se précipite en aval, se hâtant de porter le navire humain vers la mer éternelle de la civilisation et la liberté. Devant les pyramides, on profère des malédictions ; ici, les prières sont dites avec reconnaissance : des milliers de princes de l'esprit y reposent. De toutes ces pierres entassées sur eux, on pourrait faire une nouvelle série de pyramides. Nous regrettons même qu'ils soient enterrés sous ce poids énorme. Mais ces pierres ont été apportées par le respect, la reconnaissance et l'amour qui rendent la pierre supportable et même légère. Et quand on sort de cette ville des morts où logent des représentants de toutes les nations, au lieu du sable du désert, on baigne dans une mer humaine ; et au lieu du simoun étouffant, on respire un souffle plein de vie.
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Jan Neruda
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